KOSSA Christian Romain
(COTE D'IVOIRE / ABIDJAN)
Présentation de « Au nom de... » - avril 2016 (GOETHE INSTITUT - Abidjan)
Je danse parce que c'est ce que j'aime être, c'est ce qui me fait me sentir moi...
Je suis KOSSA Christian Romain, danseur, enseignant et administrateur culturel de nationalité ivoirienne. Je suis né à BIANKOUMA dans l’ouest de la CÔTE D’IVOIRE et j'ai 28 ans.
A vrai dire, je n’avais jamais imaginé finir un jour danseur professionnel, voire faire carrière dans le milieu artistique, car rien de mes anciennes habitudes ne semblait prévoir cela. Je suis même parfois surpris par mon propre profil actuel.
La danse n’avait auparavant jamais été pour moi une passion, sûrement à cause d’une mauvaise expérience vécue en 2000 lors de la célébration d’une fête de la pâque à l’église. En fait, j’avais été choisi avec plusieurs de mes contemporains d’alors pour exécuter une chorégraphie sur un tube en vogue à l’époque. J’ai tellement foutu en l’air la chorégraphie d’ensemble, le jour de la représentation, que je n’eus plus jamais envie de revivre pareille honte.
Il faut cependant noter que, pendant les fêtes à l’école et même dans le quartier, j’aimais beaucoup faire le fou en exécutant les pas de danse à la mode.
En vrai, j’aimais danser mais je préférais le faire en cachette, seul dans la chambre ou sous la douche.
Depuis mon enfance, mon truc à moi c’était le théâtre, même si je n’envisageais pas en faire une profession. J’ai commencé mes toutes premières interprétations théâtrales au mouvement catholique CVAV. J’étais très souvent parmi les personnes choisies pour le mime de la naissance de l’enfant jésus ou autres histoires marquantes de la foi catholique.
Aussi au collège, je jouais tout le temps dans les sketches de sensibilisation contre les comportements à risque organisés soit par le club santé ou la jeunesse estudiantine catholique (JEC).
Même si certains de mes amis d’enfance me voyaient dans le futur un brillant comédien, moi je n’imaginais toujours pas faire carrière dans le milieu artistique. Mon rêve était d’être un jour un grand juge ou avocat pour réduire un tant soit peu l’injustice dans ce monde.
En 2005, j’arrive à Abidjan pour continuer mes études, la guerre ayant frappée depuis 2002 l’ouest du pays où je vivais jusque là.
Orienté en classe de seconde au lycée municipal d’adjamé, je m’inscris aussitôt au club théâtre du lycée. C’est là que j’entends parler de l’Institut National Supérieur des Arts et de l’Action Culturelle (INSAAC) où je vais faire plus tard mes études artistiques.
Il faut dire que le lycée a été une étape essentielle dans ma vie car en plus d’y découvrir l’opportunité d’entrée à l’INSAAC, j’y rencontre GODE Jean Serge, mon binôme, celui qui me donna la force de me rebeller contre l’opinion de mes parents pour choisir une carrière artistique.
En attendant d’avoir le BAC, je continuais mes activités au sein du club théâtre du lycée pendant 3 ans. Dans la même période, je dirigeais parallèlement le club santé (club qui sensibilise les élèves sur les fléaux tel que le sida) du même lycée. C’est d’ailleurs au sein de ce club santé que j’ai appris à gérer un groupe, à préparer et à diriger une réunion, à planifier des activités…
Bref, j’y appris toutes ces choses qui me permettront plus tard de devenir administrateur culturel.
Une fois le BAC en poche en 2008, je décide naturellement de m’inscrire à l’INSAAC. Mes parents refusent catégoriquement de me laisser gâcher ma vie en choisissant un métier de clown. Je fus donc contraint à suivre la voie qu’ils jugeaient bon pour moi ; aller à l’Université où j’avais été orienté au département de philosophie, choix que j'ai dû accepter abandonnant ainsi le théâtre.
Un an après, je rencontre dans la rue mon binôme du lycée, GODE Jean Serge, que j’avais perdu de vu depuis la sortie du lycée. Il m’apprend que contrairement à moi il avait tenu tête à la décision de ces parents de l’inscrire à la fac de droit et qu’il était désormais à l’école nationale de théâtre et de danse (ENTD), l’une des écoles de l’INSAAC.
C’est là que je réalisai que rien n’était encore perdu.
En 2010, au grand désarroi de ma famille, j’abandonnais la faculté de philosophie alors que j’étais admis en licence, pour m’inscrire à l’INSAAC.
C’est durant la première année de formation, tronc commun danse – théâtre que je me découvris des potentialités de danseur. Je décide l’année suivante d’en faire ma spécialité.
Je me rappelle que le chef du département de danse d’alors, m’avait demandé de prendre quelques jours supplémentaires de réflexion avant de me décider car pour lui je n’étais pas fait pour la danse. Juste une manière moins percutante de me dire que j’étais nul. Ce qui était d’ailleurs vrai. Je vous épargne tout ce que j’ai dû subir comme frustrations, humiliations et railleries de la part des autres étudiants et même de certains professeurs.
Il faut toutefois noter que j’ai toujours eu la chance d’être aux côtés d’aînés, qui telles des mères guidaient mes pas, des aînés pour qui j’éprouve une gratitude sans limite que j’emporterai jusque dans ma tombe.
Après 5 ans de travail acharné, de lutte intrépide, je sors diplômé de l’INSAAC avec en poche, un master professionnel option chorégraphie et une licence professionnelle option danse obtenus avec la mention Bien.
Seulement quelque mois après ma sortie de l’École, je suis recruté pour une formation pédagogique devant me permettre d’enseigner à l’INSAAC, l’école où j’ai été formé.
Aujourd’hui, mes parents ont acceptés mon choix. Ils me soutiennent désormais même s’ils ne comprennent pas grande chose à mon orientation. Ils comprennent cependant que je suis un enfant à part, quelqu’un qui aime suivre des chantiers différents de ceux qu’empruntent les autres.
Je ne suis pas encore satisfait du niveau que j’ai. Je veux pouvoir approfondir mes connaissances théoriques et pratiques en danse. J’envisage dans les années à venir postuler pour un cycle doctoral à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) en étude et pratique du métier des Arts ou tout autre université pouvant me permettre de vivre de ce que j’appelle « un haut niveau de pratique de la danse ».
En attendant, je continue de participer à plusieurs ateliers de perfectionnement pour danseur professionnel et amateur organisés partout en Afrique de l’ouest car je crois que le savoir c’est le pouvoir.
J’organise, à chaque fois que j’en ai l’occasion, des moments de partage avec mes cadets de l’Ecole Nationale de théâtre et de danse et des stages d’initiation à la danse pour les enfants d’écoles primaires à Abidjan.
Qualité ou défaut, rebel et / ou entêté, lorsque j’aime quelque chose et que j’ai la conviction d’être heureux en la pratiquant, rien ne peut me distraire ni me freiner. Il en est de même lorsqu’il s’agit d’une personne.
Ce qui m’a fait tomber amoureux de la danse, c’est la liberté qu’elle m’octroie. En effet, quand je danse, je me sens le centre du monde ou dirais-je le centre de mon monde. La scène est mon palais, le rideau mon tapis, la musique l’air qui me porte, la lumière mon univers. En gros c’est mon moment de gloire, je me sens réellement exister quand je suis sur une planche.
C’est sûrement l’envie de garder cette liberté qui me motive. Je n’ai jamais dansé pour avoir beaucoup d’argent et encore moins pour être célèbre. Je danse parce que le mouvement me fait exister, il me fait me sentir moi.
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